Charlie Porter : la mode n'a rien de mystérieux

Reconnu comme l'une des voix les plus respectées du journalisme de mode, Charlie Porter travaille comme critique de mode masculine pour des journaux et des magazines tels que The Financial Times, The Guardian, GQ ou i-D depuis plus de 20 ans. La publication de « What Artists Wear », en 2021, et de « Bring No Clothes: Bloomsbury and the Philosophy of Fashion », l'année dernière, a fait de lui un auteur et un penseur de renommée dans ce secteur. Curieux d'explorer la fascination de Charlie Porter pour la mode et la culture, nous avons passé une journée à ses côtés dans son appartement londonien afin d'en savoir plus sur l'écriture dans le domaine de la mode, sur ses vêtements et sur les raisons de ses choix vestimentaires.

« La mode fait peur à beaucoup de monde, et je pense que c'est parce qu'il y a deux façons d'interpréter ce concept. Rien que le mot « mode » désigne l'ensemble du secteur de la mode dont de nombreuses personnes se sentent écartées. Mais la mode inclut également le concept de « façonner ».

Chaque personne, chaque jour, façonne son corps. Nous le faisons tous. Je pense que lorsqu'on commence à envisager la mode de cette manière, cela ouvre les perspectives et nous permet de réfléchir à la façon dont nous façonnons notre corps, à nos petits rituels quand nous nous préparons, aux messages que nous renvoyons ou que nous pourrions renvoyer. Pour atténuer l'incertitude et l'anxiété que les gens ressentent à l'égard de la mode, il faudrait qu'ils prennent conscience qu'ils sont libres de façonner leur corps comme ils l'entendent. »

L'idée que Charlie Porter se fait de son rôle de critique repose sur cette dichotomie des significations. Fasciné par la mode, il a choisi de se placer en observateur plutôt qu'en prescripteur des goûts. « Lorsqu'un auteur recommande quelque chose, il se met dans une position de jugement. Cette démarche est très didactique. Ce que j'aime dans la musique, c'est que je ne me soucie pas vraiment de savoir si quelqu'un d'autre l'aime aussi. Je sais que je l'aime, et c'est tout ce qui compte. Je n'ai aucune envie d'inciter les autres à aimer ce que j'aime. Je veux qu'ils aiment les choses qui leur plaisent ».

C'est l'idée de la mode en tant que matière interdisciplinaire ayant une signification culturelle qui sous-tend le travail de l'auteur depuis ses débuts. « Le secret de la rédaction de mode, c'est qu'elle ne semble reposer sur rien : elle peut paraître superflue et superficielle, mais si vous choisissez d'en faire votre domaine, sous ce vernis superficiel, vous pouvez écrire sur les choses dont les gens ne remarquent pas toujours l'existence. La mode nous permet d'écrire sur les êtres humains. La façon dont nous nous habillons, parce que nous portons des vêtements, donne des indices sur la façon dont nous menons notre vie ».

Chez ARKET, nous envisageons la confection de vêtements avec minutie. En discutant avec Charlie Porter, nous n'avons pas résisté à lui demander ce qu'il aimait dans les vêtements. « Ce que j'apprécie dans un vêtement, c'est sa tension, et la tension d'un vêtement peut signifier beaucoup de choses. Il y a une tension dans le tissage, dans la façon dont un vêtement est cousu, dans la manière dont il est assemblé. J'aime quand cette tension représente un équilibre physique : il peut s'agir du poids d'un tissu, du choix d'un tissu ou de la manière dont les tissus se combinent. Par tension, j'entends aussi la façon dont un vêtement est coupé, la façon dont il est associé à d'autres pièces, sa façon de tomber : cela peut être harmonieux, ou avoir un caractère très décalé que je trouve intéressant. Et cette tension est intentionnelle : quelqu'un a choisi qu'il en soit ainsi. »